Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Loi sur l’Etat-nation juif d’Israël : consécration de la discrimination raciale et de l’annexion illégale au rang de valeurs constitutionnelles

2 août 2018 - Communiqué de la Coalition Civique pour les Droits des Palestiniens à Jérusalem

La Coalition Civique pour les Droits des Palestiniens à Jérusalem condamne fermement la nouvelle loi israélienne sur l’Etat-nation juif. Cette dernière proclame de manière non-équivoque que le territoire d’Israël, y compris Jérusalem-Est occupée, appartient exclusivement au peuple juif, et abaisse le statut des Palestiniens à celui de citoyens de seconde et troisième classes et de résidents dans leur pays d’origine. La CCDPJ appelle à une prise de mesures internationales immédiates et efficaces, notamment des sanctions, telles que prescrites par le droit international relatif à la législation sur l’apartheid.



Adoptée par la Knesset le 18 juillet après près de sept ans de débat, la loi sur l’Etat-nation juif est promulguée au rang de loi fondamentale, tenant ainsi un statut quasi-constitutionnel. Cela implique que la discrimination des Palestiniens n’est plus uniquement d’ordre légal mais est désormais constitutionnellement protégée et requise selon la loi israélienne.

Ceci est affirmé par Hassan Jabareen, directeur d’Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël. En référence à la disposition de la loi qui énonce que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’Etat d’Israël est propre au peuple juif », il explique : « En définissant la souveraineté et l’autodétermination démocratique comme appartenant uniquement au peuple juif, […] Israël a fait de la discrimination une valeur constitutionnelle et a proclamé son engagement à favoriser la suprématie juive comme fondement de ses institutions. » (1)

L’officialisation de la suprématie juive est également illustrée par la disposition de la loi qui énonce que « la langue de l’Etat est l’hébreu », ainsi que la disposition suivante, qui prive la langue arabe de son ancien statut officiel.

De plus, la loi attribue un statut et une valeur constitutionnels à l’annexion israélienne illégale de facto et la colonisation de la Cisjordanie occupée, en réaffirmant que « Jérusalem, entière et unifiée, est la capitale d’Israël », et que « l’Etat considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement. »

Cette dernière disposition institutionnalise des politiques et législations israéliennes préexistantes de ségrégation raciale en Israël et dans les territoires occupés, visant la judaïsation de la Palestine par le biais du contrôle du territoire. Ainsi, la mise en œuvre préalable d’une vision politique sioniste devient ancrée dans la loi : les pratiques d’implantation et d’expansion de colonies israéliennes sont par là même cristallisées et légitimées.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou alimente cette position en déclarant : « C’est un moment décisif dans les annales du sionisme et de l’histoire de l’État d’Israël », et en ajoutant : « C’est notre État, l’État juif. Ces dernières années, certains ont tenté de remettre cela en question, d’ébranler notre raison d’être. Aujourd’hui, nous en avons fait une loi. » (2)

En outre, la loi permettra une discrimination financière. En effet, le « développement » et le « renforcement » des communautés palestiniennes n’est d’aucune valeur aux yeux de la loi, puisque seul le peuple juif est évoqué. De la sorte, le gouvernement israélien pourrait utiliser ce texte comme justification pour l’allocation préférentielle de budget aux communautés juives.

L’article II de la Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid de 1973 définit « le crime d’apartheid  », qui englobe les « politiques et pratiques semblables à la ségrégation et discrimination raciales », comme désignant « les actes inhumains […] commis en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial d’êtres humains sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer systématiquement celui-ci. »

La CCDPJ adhère ainsi à l’observation que fait Ayman Odeh, membre palestinien du parlement israélien : selon lui, la Knesset consacre « la suprématie juive, nous disant que nous serons toujours des citoyens de seconde classe. » (3) La CCDPJ réitère également la synthèse faite par le Docteur Hanan Ashrawi, selon lequel cette loi « entérine l’apartheid, la discrimination, le nettoyage ethnique, et le sectarisme au détriment du peuple palestinien. Une telle législation raciste et préjudicielle est illégale selon toutes les normes du droit international. » (4)

En conséquence, cette loi écarte les droits au retour et à l’auto-détermination des Palestiniens, faisant ainsi écho à la Déclaration d’indépendance de l’Etat d’Israël de 1948. En accordant le droit à l’auto-détermination uniquement au peuple juif, l’Etat d’Israël empêche aux citoyens palestiniens d’Israël ainsi qu’aux habitants palestiniens des territoires occupés, y compris Jérusalem-Est occupée, d’obtenir des droits nationaux.

La CCDPJ fait appel à la communauté internationale, y compris les gouvernements, les Nations Unies et l’Union européenne, afin de :

Assumer leur responsabilité internationale de coopération pour s’assurer qu’Israël abroge la Loi sur l’Etat-nation juif ainsi que les nombreuses autres législations discriminatoires qui privent les Palestiniens des droits de l’homme fondamentaux, y compris les droits à l’égalité, au retour des réfugiés et à l’auto-détermination, ainsi que de contraindre Israël à cesser son occupation illégale, y compris son annexion de Jérusalem-Est occupée ;

Se conformer pleinement et de manière cohérente à l’obligation internationale de non-reconnaissance et non-assistance à la continuation de la situation illégale, créée par Israël à l’aide de ces violations manifestes, en reconsidérant toutes les activités diplomatiques, militaires, commerciales, financières et culturelles qui supposent la légitimité ou contribuent à la continuation de la discrimination institutionnalisée par Israël à l’égard des palestiniens et de son régime illégal de colonies et d’annexion des territoires occupés, y compris Jérusalem-Est ;

• Rappeler que l’occupation israélienne, incluant l’annexion illégale de Jérusalem-Est, équivaut à de sérieuses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme ;

• Réitérer la position internationale sur le statut de Jérusalem au rang de ville occupée et réaffirmer leur rejet de l’annexion israélienne de Jérusalem-Est occupée ;

• Nous préconisons une réponse internationale qui ne se limite pas à des déclarations de condamnation mais qui consiste en des mesures concrètes, notamment des sanctions, contre Israël afin de contraindre de manière efficace le gouvernement israélien à cesser ces violations flagrantes du droit international.

(1) Middle East Eye, « Israël adopte une loi sur « l’État-nation » consacrant la suprématie juive », 19 juillet 2018. A consulter sur http://www.middleeasteye.net/fr/rep...
(2) The Times of Israel, “Israël adopte la loi sur l’Etat-nation juif”, 19 juillet 2018. A consulter sur https://fr.timesofisrael.com/israel...
(3) Le Monde, « La nouvelle Loi fondamentale, un tournant dans l’histoire israélienne », 19 juillet 2018. A consulter sur https://www.lemonde.fr/proche-orien...
(4) United Press International, “Israel passes controversial Jewish nation-state bill”, 19 juillet 2018. A consulter sur https://www.upi.com/Israel-passes-c...


Visuel : Maison de colons israéliens dans la vieille ville de Jérusalem - crédit Anna Demontis




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