Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Prisonniers palestiniens : il y a urgence

8 octobre 2019 - Courrier au ministre des Affaires étrangères

La Plateforme Palestine saisit le Ministre des Affaires étrangères des cas de détentions, tortures et négligences médicales à l’encontre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.



Paris, le 7 octobre 2019

Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères,

Nos organisations souhaitent attirer votre attention sur l’urgence de la situation dramatique des prisonniers politiques palestiniens.

Les autorités israéliennes ont récemment pratiqué des tortures inhabituelles – non employées depuis de nombreuses années – sur le détenu Samer Al Arbeed, actuellement hospitalisé dans un état grave et sous respiration artificielle. Il a été transféré à l’hôpital inconscient et avec de multiples fractures le 27 septembre 2019, deux jours après avoir subi plusieurs interrogatoires lors desquels il a été violemment frappé et privé de voir son avocat. Lors d’une audience le 26 septembre 2019, il a signifié au juge de nombreuses douleurs, mais il a continué à subir des mauvais traitements et tortures pendant des interrogatoires. Le Service de sécurité intérieure israélien a lui-même déclaré avoir fait usage de « techniques exceptionnelles et extrêmes » autorisées elles-mêmes par les autorités judiciaires israéliennes (selon le principe de “ticking time-bomb”).

Les Conventions de Genève de 1949 et ses Protocoles I et II de 1977 interdisent strictement la torture et les mauvais traitements. Aucune circonstance exceptionnelle, même liée au contre-terrorisme, ne saurait justifier des tortures, selon la Convention internationale contre la torture. Enfin, le Statut de Rome considère la torture comme constitutive de crime de guerre et de crime contre l’humanité lorsqu’elle est systématique et répandue (articles 7 et 8). L’article 55 du Statut interdit également les mauvais traitements et la torture dans le cadre d’une enquête. Des confessions prises sous la pression de tortures et mauvais traitements sont nulles et ne peuvent être utilisées comme preuves lors d’un procès. Selon les articles 146 et 147 de la Quatrième Convention de Genève, les Etats parties, dont la France, doivent demander des comptes devant la justice aux auteurs de crime de torture.

Le détenu Bassam Al Sayeh, décédé le 8 septembre 2019, avait lui aussi subi des tortures et mauvais traitements pendant sa détention, malgré son cancer, a rapporté Addameer. Il souffrait d’une insuffisance cardiaque et d’une infection aiguë des poumons dans les deux derniers mois de sa détention, mais les autorités ont refusé sa libération en vue d’un traitement adapté. Selon l’association de droits de l’Homme Al Mezan, B. Al Sayeh est le troisième prisonnier palestinien à mourir d’absence délibérée de soins et suivis médicaux de la part des autorités israéliennes cette année.

La Commission des détenus et ex-détenus rappelle également que « 221 prisonniers sont morts en détention depuis 1967, dont 72 à la suite de tortures et 67 en raison de négligences médicales ».

D’autres détenus risquent leur vie en utilisant l’ultime recours à leur disposition pour protester contre leur détention illégale : la grève de la faim. Au 4 octobre 2019, trois détenus sont en grève de la faim depuis plus de deux mois (Ahmad Ghannam, Ismail Ali et Tariq Qa’adan) ainsi que la jeune Jordanienne d’origine palestinienne Heba Labadi (arrêtée au point de passage entre la Jordanie et la Palestine) depuis 10 jours, puis Ahmad Zahran, Museb Al Hindi depuis 11 jours (ce dernier a passé 7 ans en détention administrative) et Munir Basil Sawafta.

Ces détenus prennent le risque d’être soumis à l’alimentation forcée, en vertu d’une loi israélienne adoptée en juillet 2015. Cette mesure est considérée comme une pratique analogue à un traitement cruel inhumain et dégradant par les Rapporteurs Spéciaux des Nations unies sur la Torture et le Droit à la Santé, par l’Association Médicale Mondiale ainsi que l’Association Médicale Israélienne.

Enfin, les autorités israéliennes multiplient les entraves dans le soutien à ces prisonniers, comme en témoigne la récente attaque de soldats israéliens contre les locaux d’Addameer à Ramallah la nuit du 19 septembre 2019. Les soldats ont fouillé les locaux et volé du matériel, pour la troisième fois depuis 2002. Plusieurs membres de cette association phare de droits de l’Homme ont été arrêtés ; actuellement, c’est le coordinateur juridique de l’association qui est placé en détention administrative (sans inculpation ni procès et pour une durée illimitée). Cela est partie intégrante de la stratégie israélienne de harcèlement systématique des défenseurs des droits des Palestiniens qui vise à les faire taire.

Le gouvernement français a élevé la prévention contre les arrestations arbitraires et la torture au rang de priorité en matière de droits de l’Homme. En tant qu’Etat partie à la Quatrième Convention de Genève et du fait de son rôle dans la promotion du respect du droit international et des droits de l’Homme dans le monde, la France doit :
  Condamner fermement et publiquement ces actes contraires au droit international et rappeler le gouvernement israélien à ses obligations internationales en matière de détention et de lutte contre la torture ;
  Demander des résultats sérieux dans la recherche de responsables des tortures à l’encontre de Samer Al Arbeed, concernant l’enquête actuelle ouverte par le ministère de la Justice israélien, et demander sa libération ;
  Demander l’ouverture d’une enquête indépendante sur la mort de Bassam Al Sayeh.
  Exiger que les autorités consulaires françaises se saisissent du dossier de Ahmad Ghannam, Ismail Ali, Tariq Qa’adan, Heba Labadi, Ahmad Zahran, Museb Al Hindi et Munir Basil Sawafta, et soient présentes lors des prochaines audiences ;
  Demander aux autorités israéliennes d’abroger la loi sur l’alimentation forcée ;
  Exiger la fin de la détention administrative telle que pratiquée par Israël ; soit la libération de tous les détenus administratifs ou leur inculpation dans le respect du droit international.

En comptant que vous donnerez suite à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre profonde considération.

M. François Leroux, Président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine


Visuel : infographie réalisée par Addameer à l’occasion du 60e jour de grève de la faim du détenu administratif Ismael Ali



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